L’enquête de satisfaction est sans conteste le type d’étude le plus populaire au sein des entreprises et collectivités. Qu’ils s’appellent « clients », « usagers » ou dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui « redevables », l’objectif est le même : il s’agit de répondre toujours mieux à leurs attentes.
Pour beaucoup, c’est une démarche qualité qui anime cette volonté de mesurer la satisfaction client. Les certifications de type ISO 9001 imposent en effet une telle mesure. Déclic pour certains ou opportunité de faire évoluer les choses pour d’autres.
Marc Péro, responsable qualité à l’Agence de l’eau Rhône, Méditerranée et Corse depuis 10 ans fait partie de cette deuxième catégorie. Nous l’avons interrogé afin de découvrir l’activité de son établissement mais également partager son expérience et son approche des problématiques de satisfaction.
SG : Quel est le rôle de l’Agence de l’Eau et quelles sont ses missions principales ?
MP : L’Agence de l’Eau est un établissement public de l’Etat sous double tutelle du Ministère du Budget et du Ministère en charge du Développement Durable. La mission générale, vise à contribuer à l’observation de l’état des milieux aquatiques (nappes phréatiques et captives, les cours d’eau et les plans d’eau..) et des pressions qu’ils subissent, pour inciter à modifier les comportements, dans une approche eco-responsable. Il s’agit donc en premier lieu d’un rôle de connaissance, de capitalisation de données ; on gère par exemple des campagnes de mesure pour faire des prélèvements dans le milieu naturel. Les résultats des analyses menées sur différents paramètres sont mis à disposition du public via nos sites web ou d’autres sites d’information.
L’Agence a également un rôle d’incitation à limiter les impacts sur le milieu naturel pour l’ensemble des parties prenantes : industriels, collectivités, agriculteurs…. Nous avons pour cela deux leviers possibles : l’un est la redevance perçue auprès des personnes qui ont un impact sur le milieu naturel. Il s’agit par une pression fiscale mise sur les différents acteurs de faire jouer un effet signal pour les inciter à agir pour réduire leurs impacts (prélèvements d’eau, rejets de pollution..) Le deuxième levier, c’est l’incitation financière par la participation aux plans de financement de certains ouvrages sous forme de subventions. L’Agence a par exemple beaucoup financé les stations d’épuration , notamment pour respecter les échéances fixées par l’Union Européenne en matière d’assainissement urbain.
SG : Comment est née cette démarche qualité qui nous intéresse aujourd’hui ?
MP : A l’origine, il y avait déjà eu une expérience pilote qui avait été menée sur une petite unité s’occupant exclusivement de métrologie. Ils sont partis du postulat suivant : on est en relation avec des industriels eux-mêmes certifiés et dans un soucis de crédibilité, autant s’appliquer les mêmes exigences que celles qu’ils peuvent avoir et ainsi pouvoir mieux dialoguer avec eux. Il y a eu ensuite une extension du périmètre au niveau des redevances, puis des données ; le but étant de rassurer vis-à-vis de l’extérieur sur la capacité de l’établissement à bien gérer les deniers publics mais aussi à prendre de réels engagements de service. Il est toutefois important de noter qu’une partie de nos activités ne rentre pas dans le périmètre de la certification.
SG : Pouvez-vous me parler de la mise en place de l’enquête de satisfaction ?
MP : Le point de départ, c’est la norme. Elle nous demande de mesurer et de faire de l’écoute client. En 2002, nous avons mis en place la première vague d’enquête. Nous avons tout d’abord mené une phase quali afin de bâtir le questionnaire définitif puis un quanti téléphonique, que l’on reconduit de manière barométrique tous les 2 ans depuis cette date. En tant qu’établissement public, nous n’avons pas une approche marketing de la chose. La notion de client a fait son chemin petit à petit dans les mentalités de nos équipes, là où le terme redevable était le seul utilisé auparavant.
MP : On a essayé d’élargir l’approche et d’aller au delà de cet aspect strictement règlementaire pour répondre à la question « c’est quoi bien gérer une redevance ? ».
Le paradoxe c’est que la forte contrainte règlementaire reste bien présente et que nous intervenons dans le cadre de la perception d’une redevance obligatoire , qui peut être considérée comme un impôt. Il est donc important pour nous de bien préciser les critères sur lesquels on évalue la satisfaction. C’est là que se situe à mon avis toute la subtilité de l’exercice nécessitant d’être clair sur les objectifs poursuivis tout au long du questionnaire, ce au travers des thèmes abordés.
SG : Est-ce que ce questionnaire a évolué dans le temps ?
MP : Effectivement, il a évolué pour aller vers une approche plus socio économique afin de mesurer l’efficacité des leviers utilisés. Au travers de la redevance, on essaie d’envoyer un signal pour faire réagir, et donc limiter les pressions exercées sur le milieu naturel, pour par effet de ricochet limiter l’impact financier supporté. En définissant des taux, on n’est jamais sûr de viser juste. C’est pour cette raison qu’en 2006, nous avons essayé de recroiser nos fichiers, à savoir la redevance effectivement supportée par les personnes interrogées avec ce qu’ils renvoyaient comme perception. La restitution en forme de nuage de points était intéressante pour voir la dispersion, et déterminer si le niveau de la redevance était globalement pertinent au regard des objectifs poursuivis.
SG : Avez-vous rencontré des difficultés dans la mise en place de ce baromètre ?
MP : Ma préoccupation était de savoir s’il y aurait un bon passage de relais avec le cabinet qui allait reprendre le projet. Au final, Je suis très satisfait de la manière dont notre collaboration s’est passée. Il y a eu de la valeur ajoutée, tout en restant conforme à la méthodologie qui a été définie dans le cahier des charges pour assurer une continuité avec les précédentes vagues d’enquêtes. Le calendrier a été tenu, la collaboration a été bonne, c’était fluide avec mes deux interlocuteurs, Bruno David et Elise Claude.
SG : Etiez-vous présent dans nos locaux pour le démarrage de l’étude ?
MP : Je n’étais pas là au moment du briefing, mais j’ai pu écouter à distance trois ou quatre interviews et me faire une idée du professionnalisme de vos enquêteurs… après, je pense que vous ne m’avez pas fait écouter les plus mauvais enregistrements, n’est-ce pas ? Non plus sérieusement, j’ai été agréablement surpris de voir comment des personnes qui ne sont pas dans le domaine arrivent à s’approprier le message, en l’ayant compris et en pouvant l’expliquer. C’était d’ailleurs la première fois que je faisais des écoutes en direct…
SG : Pouvez vous m’en dire plus à propos de la phase d’analyse et de rendu des résultats ?
MP : Il y a eu tout d’abord une première restitution à l’équipe projet puis, quelques mois plus tard, une séance de travail avec différentes parties prenantes, plutôt encadrantes. Le rapport était très dense (120 pages) et j’ai trouvé que la présentation orale était particulièrement adaptée à un échange avec les personnes qui devaient s’en approprier les points clefs et y donner une suite.
SG : Avez-vous mis en place des actions précises suite à cette diffusion des résultats de l’enquête ?
MP : Trois actions concrètes ont été chargées dans la feuille de route 2010 après discussion en revue de Direction. Parmi ces trois actions, l’une visait la communication à propos du dispositif de perception des redevances qui a fortement évolué fin 2006.
L’accent a été mis en effet pour aller vers une politique qui se veut de plus en plus incitative et différenciée. Ainsi les modulations géographiques des taux ont été accentuées pour taxer encore plus fortement les zones subissant des pressions humaines, en creusant ainsi l’écart avec des secteurs moins sensibles, donc à taux minorés.
L’enquête a révélé que le dispositif était perçu comme inégalitaire, preuve que cette approche destinée à concentrer les efforts sur les zones prioritaires, n’était pas encore bien comprise et admise par nos interlocuteurs dans ses principes et fondements. Autant de raisons qui nous ont poussés à aller encore plus loin dans la communication pour clarifier notre message.
SG : Terminons avec notre question habituelle : dans la vie de tous les jours, vous êtes plutôt quali ou quanti ?
MP : En général, les responsables qualité sont des gens factuels, qui aiment mesurer et donc le côté plutôt quantitatif. De mon côté, je suis assez quali… par exemple je suis très souvent sollicité par mail et je dois avouer que je préfère décrocher mon téléphone ou aller voir la personne. Ce qui est important, c’est aussi ce qu’il y a entre les lignes… c’est plus convivial, il y a l’écoute et l’échange comme facteurs d’adhésion et de co-construction….
SG : … tout comme en ce moment pour cette interview ! Pour conclure, je voulais vous remercier très chaleureusement de bien avoir voulu vous prêter au jeu des questions / réponses pour notre blog.
MP : Merci à vous